Description
La Tortue mouchetée (Emydoidea blandingii) est l’une des tortues ayant la plus grande longévité (plus de 70 ans) et la plus lente maturation (20 ans et plus). Elle a une carapace en forme de dôme, tachée ou rayée de jaune grisâtre. La coloration est très variable entre les individus. En Nouvelle-Écosse, la longueur de la carapace des adultes varie entre 18 et 25 cm. Les mâles sont généralement plus gros que les femelles.

Son plastron est formé d’une série d’écailles, chacune étant jaune avec une tâche noire irrégulière dans le coin extérieur. Chez les jeunes, des anneaux de croissance sont facilement visibles sur chaque écaille. Son plastron comprend une charnière qui permet au lobe antérieur de celui-ci de se rabattre partiellement pour protéger la tête et les membres antérieurs. Le dessus et les côtés de la tête varient du noir au brun à l’olive et portent des tâches jaunâtres. Contrastant grandement avec le reste de son corps, son menton, sa gorge, et le dessous de son long cou sont jaune vif. Elle semble avoir perpétuellement un « sourire », dû à l’encoche dans sa mâchoire supérieure.

Écologie
Habitat
Bien que l’habitat ancestral des Tortues mouchetées fût probablement des marais de prairies, les populations actuelles se retrouvent à la fois dans des habitats de prairies que forestiers. Leurs macrohabitats en Nouvelle-Écosse inclus les ruisseaux et rivières à faible courant, les baies protégées des lacs, les étangs, les marais, les prairies humides, les tourbières (fens et bogs), les forêts inondées, et les fossés. À l’intérieur de ces macrohabitats, les Tortues mouchetées vont souvent passer les journées ensoleillées à se dorer au soleil sur les berges herbeuses/buissonneuses; autrement, elles sont souvent retrouvées dans les parcelles de végétation submergée, émergente, ou inondée.
   

Alimentation 
La Tortue mouchetée est un prédateur aquatique qui se nourrit à plusieurs niveaux de la chaîne alimentaire. Sa nourriture inclut des grenouilles (adultes, têtards et oeufs), des larves et nymphes d’insectes (spécialement celles de libellules), des escargots d’eau douce, des sangsues, des petits poissons, de même que de la matière végétale (notamment des graines de nénuphar). Les Tortues mouchetées se nourrissent principalement sous l’eau, et les proies capturées sur la terre ferme seront transportées jusqu’à l’eau avant d’être avalées. Les proies sont soit avalées entières ou, si elles sont trop grosses, sont tenues par les mâchoires et déchiquetées en plus petits morceaux par les griffes des membres antérieurs (Harding 1997).


Prédateurs
Les oeufs et les nouveau-nés sont les proies d’une variété de prédateurs généralistes, incluant le raton laveur, la moufette, la corneille, la grande musaraigne, et la fourmi. Très peu de nouveau-nés (moins de 1 %) vont survivre jusqu’à l’âge adulte. Une fois adultes, ils n’ont essentiellement plus de prédateurs, à l’exception des véhicules motorisés.

Reproduction
Chez la Tortue mouchetée, la fécondation est interne, et l’accouplement a lieu dans l’eau. En Nouvelle-Écosse, l’accouplement survient tout au long de l’année, avec une pointe à l’automne. La nidification a lieu en juin et début juillet. Les femelles peuvent parcourir de grandes distances depuis leur plan d’eau pour trouver des sites de nidification adéquats où y pondre leurs oeufs. En Nouvelle-Écosse, elles nidifient dans une variété d’habitats, incluant les rives de lacs, les affleurements rocheux, les bords de routes et les terre-pleins en gravier, et autres zones défrichées par l’homme. Bien qu’ailleurs l’espèce niche dans le sable et la terre, en Nouvelle-Écosse les substrats de nidification sont principalement le gravier et les galets.

Par des mouvements en alternance de ses pattes postérieures, la femelle creuse, en guise de nid, une cavité de 8 à 15 cm de profond par 7 à 10 cm de diamètre à l’ouverture. Elle y pond en moyenne 10 (5 à 15) oeufs ellipsoïdes et flexibles, d’environ 3,6 cm de long. Une fois que les oeufs sont pondus, la femelle enterre prudemment le nid et le dissimule. Ensuite elle s’en va, sans même n’avoir jamais vu le nid. L’ensemble du processus de nidification, qui a généralement lieu en soirée, peut prendre de 1 à 7 heures.

Les nouveau-nés émergent du nid approximativement 90 jours plus tard, dépendamment de la température et de l’humidité du nid. Chez les Tortues mouchetées, le sexe est déterminé par la température à laquelle les oeufs sont incubés : les oeufs incubés à de faibles températures (moins de 25 °C) produisent presque uniquement des mâles, alors que ceux incubés à de hautes températures (plus de 30 °C) produisent presque uniquement des femelles. Le succès des nids de Tortues mouchetées est hautement variable. Même si un nid ne succombe pas à un prédateur, il peut avorter en totalité ou en partie à cause d’inondations, de mauvaises conditions d’incubations, d’oeufs infertiles, ou d’autres facteurs.


Distribution
À travers son aire de distribution, la Tortue mouchetée est distribuée de façon discontinue, spécialement dans les régions périphériques. Sa distribution fragmentée s’étend de l’extrême sud-ouest du Québec et du sud de l’Ontario, à l’ouest jusqu’au Minnesota et au Nebraska, et au sud jusqu’au centre de l’Illinois. Le Nebraska et le Minnesota contiennent actuellement les plus importantes populations. Des populations isolées sont présentes au Minnesota et au Wisconsin, à la périphérie ouest de son aire de distribution principale, ainsi qu’à New York, au Maine, au Massachusetts, au New Hampshire, et en Nouvelle-Écosse, à la périphérie est. Cliquez sur ce lien pour une carte plus détaillée de sa distribution en Amérique du Nord.  [Cliquez sur les images pour un agrandissement]

En Nouvelle-Écosse, la Tortue mouchetée atteint la limite nord-est de son aire de distribution. Dans la province, elle n’existe qu’en quelques petites populations séparées, situées à l’intérieur des terres de la partie sud-ouest de la province. Les observations confirmées sont limitées aux basins versants des rivières Mersey et Medway, alors que des observations jusqu’à maintenant non confirmées ont été rapportées dans les basins versants des rivières LaHave, Roseway et Bear. Nous reconnaissons actuellement l’existence de trois populations distinctes en Nouvelle-Écosse, une dans le Parc National et Lieu Historique National Kejimkujik et deux sur des terres privées dans le basin versant de la rivière Medway.

 

Connaissances historiques sur la distribution
La Tortue mouchetée n’avait pas été répertoriée en Nouvelle-Écosse jusqu’en 1953. Bien que rien ne soit connu sur l’histoire de cette espèce en Nouvelle-Écosse, une comparaison des distributions passées et présentes à travers toute son aire de distribution montre que celle-ci a changé considérablement. Des évidences fossiles, découvertes au sud et à l’ouest du centre de la distribution actuelle de l’espèce, suggèrent que l’aire de distribution de l’espèce s’est déplacée vers l’est depuis la dernière glaciation. Ce déplacement pourrait avoir résulté de la disparition de son habitat et d’un changement dans les conditions climatiques. La population de la Nouvelle-Écosse est la plus isolée des populations périphériques connues, et elle aurait été établie durant une période climatique plus chaude.

Population de la Nouvelle-Écosse
En Nouvelle-Écosse, les Tortues mouchetées existent sous la forme d’un réseau de populations très isolé du reste de l’aire de distribution de l’espèce. Au cours de la dernière décennie, des recherches ont révélé des différences importantes entre les tortues mouchetées de la Nouvelle-Écosse et celles de l’aire de distribution principale. En Nouvelle-Écosse :

  • La nidification a lieu plus tard (juin et juillet) et les oeufs ont une période d’incubation plus longue
  • Plusieurs tortues nidifient sur les rives de lacs, contrairement à l’intérieur des terres
  • Les substrats de nidification sont principalement constitués de galets et de gravier, contrairement à du sable et à de la terre ailleurs
  • Le succès des couvées et le taux de recrutement d’adultes reproducteurs sont particulièrement réduits par les contraintes environnementales régionales (par exemple une saison d’incubation plus froide, l’inondation des nids) et par les hauts taux de prédation des nids et des jeunes 
  • Les tortues croissent plus lentement et maturent plus tard (20-25 ans) que dans plusieurs autres populations
  • Bien que l’espèce ne couvre qu’une petite région géographique, et ce, à de faibles abondances, les trois populations connues sont distinctes. Ces populations sont génétiquement distinguables, ce qui suggère qu’il y a très peu d’échanges entre elles. Des différences dans le comportement, l’utilisation de l’habitat, les taux de croissance, la taille adulte, et la taille des couvées ont également été répertoriées entre ces populations.
  • Ces populations ont divergé génétiquement de façon considérable des populations dans l’aire de distribution principale de l’espèce, et contiennent une portion importante de la diversité génétique totale de l’espèce 

Ces comportements uniques de nidification et de sélection de l’habitat représentent possiblement des adaptations aux contraintes thermiques pour l’incubation rencontrées à la limite nord-est de son aire de distribution. Ils représentent aussi peut-être la difficulté de trouver un partenaire, dû à la faible densité de la population, et la rareté de sites de nidification adéquats.

 

Statut de la Tortue mouchetée

Statut en Nouvelle-Écosse

En 2005, le COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada) a modifié le statut des populations de Tortues mouchetées de la Nouvelle-Écosse, le faisant passer de « Menacées » à « En voie de disparition ». Ce changement vers un statut plus critique fut en partie basé sur les résultats d’une Analyse de Viabilité de la Population (AVP) qui indiquent que la population du Parc National et Lieu Historique National Kejimkujik est en déclin. 


En 2000, la Nouvelle-Écosse a déclaré la Tortue mouchetée comme étant « En danger » en vertu de la nouvelle loi sur les espèces en péril. Cette décision, ainsi que celle du COSEPAC, sont en partie basées sur la distribution limitée de l’espèce dans la province, sur l’inégale structure d’âge de la population, et sur le faible taux de recrutement d’adultes reproducteurs.


Statut ailleurs dans son aire de distribution

Au Canada, la Tortue mouchetée est protégée (i.e. ne peut pas être récoltée ou dérangée) dans tous les parcs nationaux où elle est présente. En Ontario, l’espèce est protégée depuis 1984 en vertu de la Game and Fish Act. Aux États-Unis, la Tortue mouchetée est protégée dans les états de New York, du Michigan et du Minnesota, et est considérée comme menacée ou en danger au Missouri, au Wisconsin, au Maine, au New Hampshire, au Massachusetts, dans l’Iowa, et en Pennsylvanie. L’espèce est disparue du Rhode Island et du Connecticut. Au niveau international, l’Union mondiale pour la nature (UICN) a classé l’espèce en 1996 comme étant « À faibles risques : près d’être menacée ». 

Processus d’évaluation


Pour plus de détails sur le processus d’évaluation du statut des espèces en Nouvelle-Écosse, sur la Loi sur les espèces en danger de la Nouvelle-Écosse, ou sur le processus d’évaluation fédéral du COSEPAC, veuillez consulter les sites suivants.

General Status of Wild Species of Nova Scotia

Un site (en anglais seulement) du Département des ressources naturelles de la Nouvelle-Écosse qui décrit le processus d’évaluation du statut général et qui fournit une base de données interrogeable sur toutes les espèces sauvages de la province.

Nova Scotia Endangered Species Act

La législation en matière d’espèces en péril en Nouvelle-Écosse disponible sous la forme d’un document sur le site Web de l’assemblée législative.

Information de base sur le COSEPAC

Le COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, est composé d’experts gouvernementaux, universitaires, et non gouvernementaux qui désignent les espèces en péril comme étant disparues, disparues du pays, en voie de disparition, menacées ou préoccupantes. Ce site d’Environnement Canada décrit ce qu’est le COSEPAC et quel est son rôle dans l’évaluation du niveau de risque d’extinction des espèces sauvages du Canada.

Moteur de recherche sur les espèces en péril du COSEPAC
Ce site d’Environnement Canada fournit une base de données interrogeable sur toutes les espèces du Canada. La recherche peut être effectuée par province, par espèce, ou par niveau de risque fédéral du COSEPAC.

Information de base sur l’UICN
Ce site de l’Union mondiale pour la nature fournit de l’information sur les critères et les catégories de classification de la liste rouge de l’UICN.